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En voyage, à travers la fenêtre d’un train, nous voyons toutes ces vies figées par un peintre ou par un photographe, ces vies que nous pouvons mieux voir et mieux comprendre grâce aux questions que leur suspens porte, mieux que si nous les connaissions, étions leur voisin. Je veux parler de ces maisons, jardins, hommes et femmes que nous voyons en un instant qu’eux-mêmes auront bientôt oublié, mais qui pour nous restera peut-être toujours, et qui nous en dit sur la vie plus que nous n’oserons jamais (...)
17 février 2012, par Richard Lebeausale
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C’était sur un marché, dans les files d’attente entrecroisées du poissonnier, du fromager et du marchand de bonbons. Ou dans le rayon d’un supermarché ; rayon alcools ou cosmétiques, jouets ou peut-être biscuits apéritifs. Cette femme courte et haute disait ce qu’elle pensait dans de longues haines. Elle était ridée mais ses yeux étaient jeunes. Peut-être était-ce le contraire mais ce que je sais : son visage. Son visage s’imposait comme connu alors même que j’étais sûr de ne l’avoir jamais vu. Elle (...)
17 novembre 2011, par Richard Lebeausale
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Cet homme dit : « on me demande d’aller de l’avant ». Mais vers l’avant toujours il va alors que fait-il encore si profond, si bas ? Au-dessus de sa tête, très loin : « c’est là où tout se passe » ; « c’est là où je devrais être. » Confesse-t-il. Mais pour lui jamais rien. Pourtant de l’avant il va. Toujours prêt à rebondir. C’est comme ça. « Il faut », c’est ce qu’il dit avoir entendu, des « il faut », « il faut ». Alors il suit le falloir, le devoir, le faire. Il fait. « Vers l’avant toujours je vais ». Il le dit. (...)
13 octobre 2011, par Richard Lebeausale
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« Je voudrais, je voudrais cher vendeur, très cher fournisseur, amical professionnel, ce que vous faites de plus délicat comme laine, la plus douce, la plus travaillée, la plus artisanale car j’aime la douceur et la finesse, le travail des hommes et le goût moderne et la surprise. Donc si cette laine vous l’avez hardiment teinte, filée, tricotée, si les couleurs et la trame sont inattendues et pourtant évidentes, eh bien je prends, qu’importe le prix. »
Ce à quoi le vendeur répond : « J’ai mieux pour (...)
29 septembre 2011, par Richard Lebeausale
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Haïssez. Rien d’autre à faire. Seule issue. Exécrez, pour ne pas succomber, ne rien céder au détestable. Car il suffit de dominer, briser, broyer la chose, qui est là, palpitante, séduisante. Qu’une pulsion surnage en vous, au fond gardez-la, noyez-la, recrachez-la, venimeuse, vous-mêmes plus venimeux encore.
Haïssez ! C’est cela ou laisser le monde vous effacer de mauvais goût, de légèreté.
Qu’un discours, qu’une œuvre, qu’un dogme vous apparaisse si aisément intéressant, alors frappez-vous et détruisez (...)
22 septembre 2011, par Richard Lebeausale
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C’est surtout le ciel vu du ciel, quand on regarde vers le bas (car vers le haut c’est bien toujours le même bleu n’est-ce pas ?) tous ces nuages cotonneux où l’on aimerait tomber. Briser la vitre en cas d’urgence et sauter, atterrir dans la ouate nuageuse. Ces masses de coton géantes et à perte de vue où l’on aimerait se laisser mollement recevoir : un rêve d’enfant.
19 septembre 2011, par Richard Lebeausale
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Ils disparaissent dans les bouches creusées à même le trottoir. Ils, c’est nous, c’est eux, ce sont tous ces corps pressés tôt le matin levés pour aller servir. Que les rues soient ensoleillés, que les fleurs aux branches des arbres pleuvent leurs pétales roses et blancs sur le trottoir, que le vent soit chaud ou froid, que le ciel soit bleu ou écorce de neige prête à tomber pour tout verglacer, toujours, le matin, à huit heures, hors jours de repos établis, s’engouffre dans ces étroits couloirs une (...)
12 septembre 2011, par Richard Lebeausale
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Y a-t-il au monde meilleur endroit qu’un aéroport pour errer sans but et rêver ? Aller le nez en l’air sous des baies vitrées qui invitent à entrer dans le ciel, ouvertes vers lui, elles le mettent en scène comme si nous n’avions jamais levé les yeux avant. C’est ici le seul vrai lieu d’où l’esprit peut s’élancer. Il y a ce plafond de béton si léger et si haut qu’on n’en mesure ni la taille ni la distance, il est à lui seul un ciel à notre portée (je pourrais escalader les fragiles piliers métalliques qui (...)
5 septembre 2011, par Richard Lebeausale
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Nous reniflerons dans les pissotières, Nous gougnotterons loin des lavabos, Et nous lècherons les eaux ménagères Au risque d’avoir des procès-verbaux.
Foulant à l’envi les pudeurs dernières, Nous pomperons les vieillards les moins beaux, Et fourrant nos nez au sein des derrières, Nous humerons la candeur des bobos.
Un soir plein de foutre et de cosmétique, Nous irons dans un lupanar antique Tirer quelques coups longs et soucieux.
Et la maquerelle entrouvrant les portes Viendra balayer – ange (...)
19 septembre 2013, par Paul Verlaine
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Lorsque tu faneras, ma lourde tubéreuse, Le pistil desséché sentant le moisi noir, Tout recroquevillé comme un vil tamanoir, Vite on te jettera dans la poubelle creuse.
L’éboueur haïtien à la mine peureuse Saisissant le grand bac dans l’infâme couloir De l’usine à débris te fait, sans le vouloir, Comme l’a dit Camus, don d’« une mort heureuse »,
Tu renaîtras alors en un compost béni (Car tout cycle à la fin se transforme en poème) ; L’écologiste a dit : rien n’est jamais fini
Lys, oignons et poireaux, même (...)
14 janvier 2013, par MO