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Ah ! Le vrai beau dégueulis, la vision d’enfer. Quand on arrive, on y croit pas, tellement le village respire la bonne pierre et le droit chemin. Saint-Romain au Mont d’Or… le joli nom, une icône sortie des Légendes, une sagesse de bénitier, des rentiers qui cirent leurs façades.
Et puis là derrière le mur, ça sort de partout, ça déborde, ça éclate, ça vous pète à la figure. Une orgie de fer et d’acier, la maison du chaos. J’hallucine, j’y crois pas.
Fini le Domaine de la Source, fini la tranquillité (...)
7 janvier 2013, par Isabelle Rambaud
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Pour les deux Joachim. Joachim Sené, bien sûr, et celui du Bellay.
Heureux qui à New-York a fait un beau voyage, Cueilli sur gratte-ciel un reflet de saison, Traversé Brooklyn Bridge en pleine lunaison Vu valser à Times Square une ronde d’images.
Il fait la gueule, hélas, à son petit village, Regrette Central Park, Fifth Avenue, Madison, Et pour le faste fou de la Frick Collection Donnerait tout Beaubourg, le Louvre, et davantage.
Car plus que le séjour qu’ont bâti ses aïeux, Lui plaît dans la (...)
23 novembre 2012, par Magali D.
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Dehors il pleut. Au-delà du verre grossièrement sablé de la fenêtre circulent, aléatoirement à l’échelle de la minute mais continûment si les heures passent, des octogones de couleur principalement noire (à diverses hauteurs dont la moyenne pourtant approxime un mètre soixante-quinze à partir du sol de la pièce, sol qui, poussée la porte, s’avère d’un niveau quasi identique à celui de l’espace immédiat de la rue ; en effet, seul un petit ressaut, piégeux pour qui n’y accorderait pas une attention et d’à peine (...)
15 décembre 2011, par Xavier Garnerin
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Au printemps, quand les dimanches étaient propices, Charles prit l’habitude d’aller à la pêche. Il partait tôt après avoir minutieusement préparé son attirail, ses lignes, son panier, ses appâts, son parapluie tout délavé, son tabouret. Il ajoutait dans sa besace du pain, du lard, des biscuits, une bouteille de vin rouge dont il ferait son repas. Puis il descendait la grand’ rue d’Yonville, chargé comme un baudet, la silhouette indécise et pesante, engoncé dans son lourd manteau usagé tandis que, sur les (...)
26 novembre 2012, par Isabelle Rambaud
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Mon cher Roger,
Miracle ! Extase ! Zeus condescend, en personne. Me téléphone à moi. Je l’avais honoré d’une milliardième épistole dos au mur : Voyage et M à crédit dans la Pléiade très très vite, n’essayez pas de m’enterrer je bouge toujours, la thune à la signature s’il vous plaît Éditeur Formidable, sinon je m’en vas ailleurs où l’on m’appelle très gentiment, ce qu’il sait. Gallimoche sait tout.
Tout d’un coup, la Pléiade pour laquelle je gémis, rugis, supplie, menace, crisse et hérisse inutilement à m’en (...)
3 janvier 2013, par Héléna Marienské
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À A. RMBD
R noir, M vert, B blanc, D violet : consonnes, Je dirai quelque jour l’uvulaire dormante : R roulant noir tambour, défaites éclatantes Sous la botte prussienne, au fond d’un Val, personne
Sinon le Dormeur mort ; M vert, laine d’automne, L’amant au vent mauvais, c’est toi, et moi l’amante, Ou bien vice-versa, tous les vices nous tentent, Vert espoir de l’absinthe, un coup de feu détonne ;
B blanc d’Aube d’été, voiles du Bateau ivre, Illuminations dans les festons du givre Qui barbouille la (...)
17 décembre 2012, par Magali D.
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À P. VRLN
P bleu, V blanc, R brun, L noir, N or : consonnes, P Partir, mon regard peint la Mare nostrum L’Égypte puis Aden, nouvel exil d’un homme Aux semelles de vent, mais mon cœur à London ;
V nectar séminal versé dans ton calice Stérile et défendu ; R moulant dans le tube La céleste praline, et moi, jeune succube, Qui t’emmenai, poète, au poste de police ;
L, Love dans cette Ville enfumée de charbon Misère et coups, rupture, ô tristes vagabonds, Tu partis vers Anvers, me laissant sur le pier ;
N (...)
17 décembre 2012, par Franck Garot
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Lorsque tu faneras, ma lourde tubéreuse, Le pistil desséché sentant le moisi noir, Tout recroquevillé comme un vil tamanoir, Vite on te jettera dans la poubelle creuse.
L’éboueur haïtien à la mine peureuse Saisissant le grand bac dans l’infâme couloir De l’usine à débris te fait, sans le vouloir, Comme l’a dit Camus, don d’« une mort heureuse »,
Tu renaîtras alors en un compost béni (Car tout cycle à la fin se transforme en poème) ; L’écologiste a dit : rien n’est jamais fini
Lys, oignons et poireaux, même (...)
14 janvier 2013, par MO
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C’est à cause du clair de la lune Que j’assume ce masque nocturne Et de Saturne penchant son urne Et de ces lunes l’une après l’une.
Des romances sans paroles ont, D’un accord discord ensemble et frais, Agacé ce cœur fadasse exprès, Ô le son, le frisson qu’elles ont !
Il n’est pas que vous n’ayez fait grâce À quelqu’un qui vous jetait l’offense : Or, moi, je pardonne à mon enfance Revenant fardée et non sans grâce.
Je pardonne à ce mensonge-là En faveur en somme du plaisir Très banal drôlement qu’un loisir (...)
28 janvier 2013, par Paul Verlaine
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Épris d’absinthe pure et de philomathie Je m’emmerde et pourtant au besoin j’apprécie Les théâtres qu’on peut avoir et les Gatti. “Quatre-vingt-treize” a des beautés et c’est senti Comme une merde, quoi qu’en disent Cros et Tronche Et l’Acadême où les Murgers boivent du ponche. Mais plus de bleus et la daromphe m’a chié. C’est triste et merde alors et que foutre ? J’y ai Pensé beaucoup. Carlisse ? Ah ! non, c’est rien qui vaille À cause de l’emmerdement de la mitraille !
F. (...)
21 janvier 2013, par Paul Verlaine